Pas de réponse du côté de cette maudite vendeuse. Pourquoi eut-il fallu que ce fût une gamine ? Une adulte aurait déjà été traînée de force avec moi, à la recherche de ses fameuses torches -et m'aurait servie de bouclier humain, le cas échéant- n'en déplaise aux autres. Enfants ou adultes, d'ailleurs.

Je soupirai doucement à ce manque de réactions de la part des unes comme des autres. Des paires de baffe, voilà ce qu'elles méritaient. Mais enfin, je n'avais pas bien le choix pour le moment. Il fallait parer au plus pressé. Justine fut la seule à me confirmer finalement la position de mon rayon. Bien.

Je pivotai vers la pénombre, sans demander s'il y avait un accès à l'arrière. Sans doute qu'il y en avait un, quant à savoir si l'on pouvait y entrer ou non, c'était un autre problème. Mais il n'y avait eu aucun bruit notable, pas de bruit de porte depuis que le courant avait sauté, j'y avais bien prêté attention.

J'avais bien fait de prendre mon bâton. Intuition que je me félicitais d'avoir eu. Je vidais mon panier de courses et je l'emmenais avec moi dans une main, le bâton dans l'autre. Ah si seulement les couteaux pouvaient être dans le même coin. Un bon couteau de boucher, effilé, long et tranchant. D'ailleurs, en me dirigeant vers le bon rayon à pas feutré et les sens aux aguets, le noir ne m'aidant nullement à me détendre, je scrutais les étals où je passais, à la recherche de quelque chose d'utile. Une bombe au poivre, n'importe quoi qui dans ce bric à brac aurait pu m'être utile.

Puis j'arrivai aux lampes torches. J'en pris trois, aussi silencieusement que possible, avant de reculer, sans tourner le dos aux ténèbres du fond du magasin.

Mortifiée, totalement mortifiée par la réaction de Bella, Justine la regardait aller et venir au vu et au su de tous et  lancer des questions à tout va. Bon peut-être était-ce légèrement exagéré, elle n'avait posé qu'une question. Mais l'angoisse que ressentait la jeune femme et la désagréable impression d'être jugée puérile par une gamine n'aidait pas à réfléchir de manière raisonnable, ça la mettait seulement plus mal à l'aise. Bien qu'elle ait l'air ridicule à se cacher de la sorte pour un œil étranger la réponse de Mégane la confortait dans sa décision de se dissimuler. Mieux valait prévenir que guérir comme on disait. Surtout que par ici il n'était pas sûr qu'il y ait quelque chose à guérir après coup.

Que d'optimisme ! Et tant qu'à faire les choses autant les faire à fond, Justine c'était un peu relâchée là. À quoi avait-elle pensait en se cachant sans arme ? Sur ce point, bien qu'elle ne l'admettrait certainement pas devant la petite, elle avait fait preuve de négligence laissant ses émotions prendre le contrôle. Ne disposant pas d'une Mme Sleasmon pour la couvrir ce n'était pas le moment de faire de telles âneries. Le pauvre bâton qu'elle avait sur elle ne l'aiderait guère à se sortir d'un mauvais pas. Dommage qu'elle n'ait pas pris son cimeterre. Pas qu'il eut servi à grand chose étant donné qu'elle ne savait pas encore le manier. Peut-être comme arme de disuasion ? - On a toujours le droit de rêver non ?- Enfin ça aurait au moins pu tenir une distance correcte entre elle et un attaquant hypothétique. Mieux en tout cas qu'avec le tranchant d'une boîte de conserve comme le suggérait Bella.

C'était bien beau de décider qu'il fallait une arme, encore fallait-il trouver quelque chose qui soit digne de ce nom. Certainement pas une boîte de conserve, elle risquerait de se couper elle-même -se serait un comble non ?- et ce n'était pas ergonomique. Une bouteille brisée ferait l'affaire probablement.  Elle pourrait la tenir par le goulot et même s'en faire une petite réserve de bouteilles intactes prêtes à être fracassées sur un crâne malvenu imposant sa compagnie. Mais avait-elle le temps d'aller les chercher avant que Sue ne revienne ? Valait-il la peine d'attendre la lumière ou mieux valait aller chercher des munitions immédiatement ? Dilemme, dilemme.

Petit soupir. Il n'y aurait pas autant de problème si les gens s'en tenaient à leur plan comme par exemple le fait de rester groupé et à l'abri des regards.  Or aucune des deux autres ne l'avaient suivi. L'une faisait la statue dans son coin et l'autre à son grand malheur se promenait de manière bien visible entre le comptoir et le rayon où elle-même se tenait.  Heureusement l'adolescente avait plus de jugeote que la gamine et limitait les dégâts en n'attirant pas encore plus l'attention. Mais le mal était fait et maintenant Justine sentait un besoin pressant d'être armée. Besoin qui fit pencher la balance vers l'action immédiate. Ça et le fait qu'elle ne voulait pas attendre ici alors que sa cachette avait été si négligemment compromise par la jeune arrivante. Pas une once d’indulgence dans l'esprit de la jeune femme envers sa cadette, nouvelle ici, et ne connaissant pas encore les dangers.  C'était tout simplement impossible pour Justine, c'était de sa sécurité dont il était question.

Répondre à la question de l'imprudente était sûrement nécessaire si elle voulait lui faire cesser son comportement à risque. Et puis elle s'en voudrait de la laisser prendre racine ici : c'était bien trop visible. Nouveau soupir. Elle se releva après avoir vidé son panier -elle l'avait gardé avec elle tout ce temps, n'allez pas chercher pourquoi - et fourré son contenu sur les étagères histoire de ne pas se prendre les pieds dans les boîtes de conserves. Une fois bien droite et toisant de ses pauvres 1m60 sa jeune interlocutrice elle répliqua à voix basse et à un débit rapide. Celle-ci était nullement sèche pas plus qu'elle n'était conciliante. On pouvait la qualifier de neutre au mieux. Les murmures rapides évitaient à sa voix de trahir son agitation intérieure.

-Pour la même raison que tu cherches une arme alors que selon toute vraisemblance nous faisons face à une simple coupure d'électricité.

Bon, elle aurait pu être un peu plus explicite mais ce n'était pas son genre de l'être. De toute façon ce n'était pas le meilleur moment pour faire un petit speech sur la ville et son histoire. Elle ne rajouterait pas un mot là-dessus. D'ailleurs moins elles ouvraient la bouche et émettaient des sons mieux c'était. Elle se contenta donc d'une bref phrase pour indiquer son intention.

-Je reviens dans une minute. Restez ici.

Une fois cela énoncé elle tourna les talons et s'enfonça rapidement dans le rayon des boissons, le panier vide à la main. Son pas leste évitait que sa crainte ne reprenne le dessus et ne lui fasse rebrousser chemin.

Elles prenaient bien trop leur temps. Manquait que l'apéritif et les boissons, et elles pourraient bientôt faire un feu de camp. Sauf qu'il n'était nullement question de les laisser faire n'importe quoi, et surtout, de s'en sortir à si bon compte ! Oh non, elles n'allaient pas continuer comme ça.

Dehors, la neige s'était arrêtée, laissant place au vent. Une fine brise qui soulevait doucement la neige. On ne voyait plus les routes, et les traces de pas que Shaundy avait laissées dans la neige avaient disparu depuis longtemps. Seul le silence laissait croire que tout était redevenu calme, et que le courant allait bientôt revenir. Jusqu'à ce qu'un bruit sourd retentisse. Une fois. Une bruit qui résonna dans l'épicerie pendant plusieurs secondes, indéfinissable. C'était un bruit de tonnerre, ou bien le bruit d'une bombe qui aurait explosé.
Les filles purent relever a tête et chercher dans tous les coins, elles ne virent rien, entièrement plongées dans la lumière. Les uns se doutaient de quelque chose tandis que d'autres essayaient de s'accrocher désespérément à l'espoir, mais ici, à Phantasmagoria, l'espoir n'existe pas. Seule la chance existait, et il semblait qu'elles en étaient dépourvues aujourd'hui !

Le bruit retentit une seconde fois, les secouant comme des prunes. Tremblement de terre ? Non, il fallut quelques secondes avant que ce bruit ne retentisse encore, accompagné cette fois de gargouillements inquiétants, et de râles. Justine les connaissait bien ceux-là, alors elle pourrait certainement les reconnaitre à l'oreille.

Ce n'était ni un tremblement de terre, ni quoi que ce soit. Les monstres dehors essayaient de défoncer la porte bloquée par la neige. Et les quatre filles étaient prises au piège à l'intérieur.

Mon escapade vers le fond du magasin avait été brève et beaucoup plus paisible que je n'aurais pu l'imaginer. Etais-je donc une parano finie ? Possible. Mais il n'y avait rien pour m'aider à me sentir mieux ici. Les manières de réagir de Justine et de la caissière ne m'avaient pas on plus réconfortée. Pourquoi avaient-elles si peur, elles qui habitaient là depuis toujours ?

J'aurai du le savoir, moi qui avais vécu ici aussi, enfant. je me souvenais parfaitement de l'angoisse de ma famille dès que la nuit tombait mais j'étais bien incapable de dire ce qui provoquait cette peur irrationnelle. Nous avions une porte blindée, au moins trois verrous et des barreaux aux fenêtres. Cela n'avait pas empêché mon père de disparaître. Pas plus que cela n'avait rassuré ma mère ou mon petit frère, que j'entendais pleurer presque tous les soirs, sans jamais savoir si je devais aller le consoler ou non.

Je préférais faire comme la petite caissière en ce moment : rester sans bouger, pensant qu'on ne me verrait, ni ne m'entendrait. Qu'il aurait été bon de disparaître parfois.

Je revenais rapidement à l'avant du magasin avec mon butin. Je trouvais l'adolescente figée à son comptoir et entendis des bruits de pas et de chuchotements dans un rayon un peu plus loin. Dans le silence pesant, murmurer revenait à hurler, c'était pourtant évident.

- Dans le genre discret... grognais-je donc avant de poser une lampe torche sous le nez de Mégane.

Elle avait beau m'exaspérer, je ne pouvais pas pour autant la laisser dans le noir, pour le plaisir, et encore moins pour la forcer à me suivre en échange du réconfort de la lumière. Puisque je ne pourrais pas la surveiller si elle ne voulait pas bouger de là, au moins aurait-elle de la lumière pour s'occuper d'elle-même.

Sans plus insister, je me détournais d'elle, pour rejoindre les deux autres demoiselles. Je n'avais pas fait trois pas qu'un bruit sourd retentit dans toute l'épicerie. Je réagis au quart de tour. Lâchant mon panier pour tenir mon bâton à deux mains, je scrutais les rayons. Rien. Mais un nouvelle bruit. Le plafond ? Rien non plus. Un dernier coup... La porte ? Merde... Merde. Merde ! La porte !

Le danger venait de l'extérieur. AH bon sang, je savais que ce silence n'était pas un bon présage. Frapper comme ça ne signifiait qu'une chose : on voulait entrer en défonçant la porte. Il fallait la bloquer. Et vite. Mais avec quoi ?Je cherchais du regard ce qui pouvait me servir et avisai ainsi une étagère remplie de cochonneries à la mode. Okay, ça devait pas trop lourd.

- Justine ? J'ai besoin d'un coup de main pour bouger ça devant la porte ! Et vite !

En parlant, je commençais déjà à tracter l'étagère. Avec peine. Par une petite ouverture non envahie par la neige, j'aperçus une main à l'extérieur. Noire, comme calcinée. C'était assez effrayant et surnaturel, assez pour me faire blêmir.

Calciner...

- Jeune fille, interpellai-je Mégane. Vu que t'as une torche et que tu connais le magasin, tu veux aller nous chercher des briquets et des aérosols s't'eu plaît ? On va en avoir besoin... Et en quantité.

Aérosol+feu= grosse flammèche et il fallait espérer que cela suffise, parce qu'à moins de les canarder de bouteilles brisées, on n'avait pas vraiment le temps de faire des pièges. Surtout en étant si peu nombreuses.

À peine revenue avec ses quelques bouteilles, ses pires craintes se virent confirmer. Plusieurs bruits retentissant se firent entendre avant que le redoutable râle annonça l'arrivé de ces petits monstres. Rien que l'évocation glaçait Justine alors les entendre, les savoir juste derrière une porte encore ouverte avait de quoi la paralysé totalement. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle elle ne s'était pas précipitée pour aider Sue dans son effort de barricader l'endroit. Il avait fallut que cette dernière s'adressa directement à elle pour qu'elle puisse s'extirper de sa torpeur. Et les secondes précieuses  s'envolaient pendant ce temps, avec chaque instants passés voyant les créatures s'approcher de leurs proies.

C'était dans ce genre de situation qu'on regrettait amèrement l'absence d'un adulte derrière le comptoir. Cela aurait été bien utile pour pousser rapidement le meuble. Et surtout, le plus important, Justine n'aurait pas eu à s'approcher de la porte. Enfin, tout n'était pas noir, il y avait une policière à côté d'elle. Bien que sans arme sa présence n'était que très relativement rassurante. Mais Sue étant la seule chose à laquelle Justine pouvait se raccrocher pour le moment elle ne poursuivi pas cette réflexion. Elle préféra plutôt se concentrer sur l'effort présent, soit pousser cette maudite étagère qui semblait peser des tonnes pour les bras non musclés de Justine. Ce ne fut pas sans contentement et soulagement qu'elle laissa tomber l'étagère en place. Ces émotions furent précédées par l’effroi de revoir ces monstres de si près et la crainte qu'à tout instant ils réussissent à ouvrir la porte.

La quiétude refaisait surface petit à petit -autant qu'elle le puisse dans ces conditions- alors que Justine voyait les choses être prise en main par la seule véritable adulte de la pièce. Celle-ci ayant réussi à faire bouger Mégane qui s'était montrer plus que récalcitrante à se lever de son fauteuil. Ne voulant pas gâcher un tel élan de bonne volonté Justine lança à voix basse -plus par habitude que par utilité- :

-Tu devrais aussi aller du fil de pêche. On pourrait ainsi tendre un fil au niveau des chevilles à l'entrée. Vu qu'il est plus facile d'attaquer une personne à terre que debout.

Le fil serait probablement invisible dans cette obscurité, pas que se soit un élément déterminant puisque si ces créatures voyaient ce ne devaient pas être grâce à leurs yeux. Dans tout les cas tenter de déterminer ce qu'ils percevaient ou non était futile. Mais sait-on jamais peut-être que ça les ralentirait. Si les autres consentaient à adopter son idée il faudrait qu'elles se positionnent plus loin de l'entrée. Mais pour l'instant il n'était pas encore temps de se replier, il fallait consolider la barricade, obstruer un peu plus l’accès du magasin de sorte que la progression des créatures soient le plus ralentit possible. Une vingtaine de gros sac de nourriture pour animaux -ou tout autre paquet aussi pesant- devrait faire l'affaire. Et à quatre cela devait être très vite fait.

-Je vais chercher des sacs pour stabiliser l'étagère, vous venez ?

La question était destinée à toute les personnes présentes. Ce serait à elles de décider s'il y avait des choses plus pressante à faire. Bien qu'elle n'imaginait pas ce que cela pourrait être, pas alors que le temps avant l'intrusion de ces êtres néfastes devait se compter en minute et non en heure. La jeune fille empocha donc une bombe aérosol et un briquet ainsi qu'une lampe de torche avant de se diriger vers le rayon adéquate. Laissant son panier avec les bouteilles à la même place où elle l'avait déposé avant d'aider Sue, c'est à dire à l'embouchure d'une des allées.

Elles avaient pensé à prendre des bombes à aérosols et des briquets. Ensuite, elles ont essayé de bloquer la porte d'entrée en poussant des étagères, et en les renforçant avec toutes les choses assez grosses et assez lourdes qu'elles trouveraient, ainsi que du fil à accrocher au niveau des chevilles. Ç'aurait été une bonne idée, mais... croyaient-elles sincèrement qu'il n'y avait que les Bursnt Child derrière cette porte ? Ils étaient les plus bruyants, certes, mais pas les seuls phénomènes de la ville à se promener.
Non, le temps avait détraqué les mœurs, et les animaux les plus sympathiques qu'on pouvait croiser en ville étaient devenus fous, entrainés dans l'ascendance qu'avait menée les Burnst Child. Corbeaux, rats et chats sauvages, ainsi que chiens enragés, étaient également de la fête, grattant comme des bêtes la porte qui les séparaient de ce festin royal, mais également... le toit.

Les filles avaient bien condamné la porte, c'était certain, mais ça n'empêcha pas la porte d'être brisée. Un courant d'air froid entra dans la pièce lorsque la porte céda sous les coups. Il ne restait plus qu'une étagère barricadée entre les
filles et l'extérieur.

Entre temps, alors que Justine donnait des ordres à la caissière, elle buta dans un objet qui glissa sous une étagère. Elle se penchera en avant et ira regarder. Elle en ressortira un objet introuvable dans l'épicerie en tant normal.

La lourde étagère était enfin en place. Je secouais un peu mes bras endormis jusque là par le froid. Du coin de l'oeil, j'avisais la caissière ramener ce que je lui avais demandé. J'esquissais un sourire et allai récupérer et rassembler le butin lorsque Justine m'appela pour aller chercher des sacs de nourriture pour chien.

Sans le savoir, peut-être que l'odeur de cette nourriture en première ligne nous donnerait quelques précieuses minutes lorsque nos fortifications tomberaient. Pendant que nous nous affairions à transporter nos sacs et à les poser contre l'étagère, les bruits se mêlaient en une étrange cacophonie dehors. Etaient-ce des chiens que j'entendais aboyer ? Je n'avais pas le temps de vérifier mais j'espérais sincèrement qu'il n'en fut rien. Les animaux sont rapides et forts. Ils font bien plus de dégâts que les humains.

Merde, quand est-ce qu'ils me redonneraient mon arme de service ?! J'allais peut-être laisser ma peau à cause d'un stupide accident... Les fumiers. Je me fis la promesse d'aller les hanter jusqu'à ce que mort s'en suive si jamais je laissais ma peau ici.

Du fil de pêche ? C'était une idée.

- Tout est bon à prendre de toute façon...

Sans perdre de temps, j'allais aider celles qui s'occupaient du fil de pêche. Il fallait le tendre aux chevilles mais aussi plus haut, en faire comme un filet. Etaler des bouts de verres sur notre infrastructure également.

Et la porte cédait. Je sentis un frisson glacé tomber dans mon dos et je reculai, emportant briquets et aérosols. De quoi faire lance flammes et bombes artisanales. Un ami m'avait appris comment faire quand je n'étais rien d'autre qu'une stupide adolescente en mal de sensations fortes. Voyons voir. J'attrapais des rouleaux de scotch dans un rayon. Du gros scotch.

- Ramenez des couteaux, des cutters, des ciseaux, tout ce qui peut trancher. Et de quoi faire des manches. On va essayer de se fabriquer des armes.

Comment barricader davantage la porte ? Il nous aurait fallu plus de temps et plus de moyens. Il aurait fallu plusieurs lignes de défense et des armes à distance pour faire diminuer les effectifs au fur et à mesure que les ennemis avanceraient.

- Il y a une autre sortie que la porte de devant ?

Des bruits venus d'en haut. Merde. Barricader une porte était possible. Barricader un plafond, c'était autre chose. Et il n'y avait personne à offrir en pâture pour sauver ma peau. Maudissant tout ce que la ville comptait d'adultes, je cherchais des solutions à notre problème, tout en préparant mes cadeaux surprises.

Ces filles manquaient cruellement de réaction, surtout la maudite adolescente qui tenait la caisse. Sa réponse à ma question ne vint pas. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle faisait, de pourquoi elle restait silencieuse. Paralysée par la peur ? Dans ce cas elle était bien faible et je ne risquerais pas ma peau pour la sauver.

Ce n'était pas la seule à ne pas bouger. La plus jeune d'entre nous était restée dans un coin sans bouger et sans nous aider. Je ne la voyais plus. Jusqu'à ce que j'entende un bruit mat que je connaissais bien. Le bruit d'un corps qui tombe. Je me retournai et constatai avec un frisson dans le dos que la gamine gisait au sol, inerte.

La lumière se ralluma au même moment et la marre de sang qui entourait l'enfant faisait peine à voir.

Comment était-elle morte ? Pourquoi ?
Une enfant si jeune ne pouvait pas avoir dans l'idée de se suicider.
Quelque chose l'avait tué. Quelque chose que nous n'avions pas vu, ni entendu.

Le temps de pleurer et de comprendre n'était pas encore arrivé. Si Mégane ne m'avait pas répondu, le toit s'en chargea pour elle. Dans un vacarme assourdissant, il céda et de multiples bruits firent crisser le plafond. Comme je l'avais redouté, il y avait un étage.

Cette fois-ci, je n'attendit personne. La lumière revenue, je ne mis pas longtemps à repérer l'escalier. Prenant deux sacs de litière pour chat, je rejoignis l'escalier, y montai et déposai mes sacs devant la porte, espérant que les deux autres auraient la bonne idée de faire de même.

A peine redescendue, la catastrophe continua. De multiples créatures étaient devant nous, à quelques mètres seulement. La lumière nous empêchait de nous cacher à leurs yeux. Je lâchais un juron entre mes dents, réprimant a peur qui montait à la vitesse de la lumière en moi.

Un grand masqué était devant les bestioles que j'avais aperçu dehors. Il semblait les tenir à distance. Je pris une des bombes aérosol et appuyai sur le bouton pour libérer le gaz. Avec une bonne dose de scotch, je le maintins enclenché avant de lancer la bouteille dans le tas de monstres. Je pris une seconde bouteille autour de laquelle je nouais un torchon solidement, auquel je mis le feu avec un briquet et que je lançai sur la première bombe.

- Bordel, bougez-vous ! lançais-je ensuite avec indignation aux deux demoiselles.

Lorsque son pied avait buté contre un objet elle avait eu envie de simplement le projeter plus loin sans s'en préoccuper plus que ça. Mais dans un élan de bonne volonté elle s'était baissée dans l'intention de le poser hors du chemin. Quelle fut sa surprise quand elle mit la main sur une pince électrisée. Un peu de chance dans sa malchance. Justine se garda bien de le faire savoir aux autres, elle voulait la garder pour elle se ne serait pas de trop pour se protéger contre la horde de créature assiégeant les lieux.

Tout à sa découverte elle ne remarqua le cadavre baignant dans  son propre sang qu'au moment où la lumière revint. Perplexe, choquée, effrayée mais aussi soulagée que ce qui avait attaquée la fillette ne l'eut pas tué elle aussi. Elle n'était pas pour autant sortie d'affaire, loin de là. Des bruits se faisaient entendre au dessus de leur tête signalant que ces êtres allaient charger de tout les côtés en même temps. Que faire ? Elles n'avaient plus le temps. Et même si elles l'avaient eu barricader un plafond était impossible. La seule chose qu'elle purent faire fut d'obstruer rapidement la porte du fond. Entrée totalement oubliée et que la caissière n'avait pas pris la peine de signaler.

Vraiment ça allait de mal en pis et ce n'était rien de le dire. Une fois redescendue au pied de l'escalier elle ne put que constater l'ampleur du désastre. Leurs efforts avaient été totalement futiles. D’innombrable  monstres se tenaient près à envahir le magasin retenu seulement par cet être imposant, leur chef ? Le désespoir qu'elle avait pu ressentir précédemment à la découverte du corps n'était rien comparé à ce qu'elle ressentait maintenant. Elle était totalement démunie. Tout ce qu'elle pouvait faire était se cramponner à sa pauvre arme.

Pathétique, elle serait morte comme une idiote si Sue n'avait pas réagi, ou réagi comme elle ce qui revenait au même. Qu'avait-elle dans la tête ? N'avait-elle pas aussi pris les bombes aérosols ? À quoi ça servait si c'était pour les oublier au moment où il y en avait le plus besoin. Une complète idiote. Mais ce n'était pas le moment de se lamenter sur son sort. Elle allait finir comme un poisson grillé si elle ne bougeait pas de là et vite.

Quels dégâts firent la première déflagration ? Aucun moyen de le savoir avec toute la poussière soulevée. Cette ignorance pourrait s'avérer dangereuse,  les empêchait de réagir de manière adéquate, et ce que la bombe ait fait beaucoup de dommage ou très peu. Fallait-il lancer une nouvelle "bombe" au risque de gaspiller une munition ou attendre et alors risquer de se faire attaquer par surprise ? Puisqu'il ne fallait pas se leurrer, ce n'était pas un peu de poussière qui allait retarder ces créatures.

Malheureusement l'ouïe n'était pas plus utile que la vue ici pour prendre une décision. Ces oreilles avait souffert bien qu'elle ait essayé de se les protéger, tout en ne lâchant pas sa pince,  lors de l'explosion. Le mieux dans ce cas était certainement de s'en référer à Sue mais pour ça encore fallait-il savoir où elle se trouvait. Elle n'osait pas l'appeler dans la crainte d'attirer une attention malvenue sur elle. L'absence de la caissière la gênait beaucoup moins mais elle aurait tout de même apprécier sa présence. N'importe qui aurait suffit pour qu'elle ne se sentisse pas aussi isolée. Amusant non d'avoir cette impression alors que les deux autres ne pouvaient pas se trouver bien loin. Elles ne s'étaient tout simplement pas réfugiées au même endroit. Ou alors elle était la seule à avoir reculé.

Les supplications de la caissière n'aidaient pas Justine à garder son calme ni d'ailleurs le comportement de Sue. Ce dernier était peut-être même plus déstabilisant. Jusqu'ici elle avait fait preuve initiative, trouvait des solutions, s'activait en somme pour leur sauver leur peau. Maintenant elle se taisait depuis ce qui semblait une éternité à Justine mais qui ne devait représenter en réalité que quelques secondes.

Le temps s'écoulait à une lenteur abominable alors qu'elle voyait les flammes lécher les murs et la fumée envahir petit à petit la pièce. Sans aucun moyen de sortir bien entendu. La porte de derrière étant à présent condamnée et la porte de devant bloquée  par ce mastodonte. Comment était-ce possible qu'il soit toujours là était un mystère. La seule chose évidente : ce n'était pas par le feu qu'elles arriveraient à s'en débarrasser.  

C'était le moment de se servir de sa pince électrisée sans doute. Enfin pas n'importe comment. Il était hors de question de s'approcher de ce molosse et certainement pas à porter de sa matraque. Mais elle ne pouvait pas non plus se contenter de lancer la pince sur lui. Ça n'aurait d'autre effet que de la désarmer.

Sinon elle pouvait rester là et attendre que les choses se passent. Option qui aurait été envisageable si ce n'était pour le feu. Ou alors jeter Mégane sur le gars et en profiter pour sortir. Malheureusement ce n'était pas non plus possible. Justine était à peu près sûre que Sue aurait rejeté l'idée. Mais là ce n'était plus le moment de rechigner. Il fallait agir. Trop de secondes étaient déjà perdues.

Première étape de son super plan qui devait tout tuer littéralement. Faire tomber la créature pour ensuite dans un deuxième temps lui planter sa pince électrisée dans le yeux. Une fois celle-ci bien en contact avec le cerveau elle ferait passer le courant. Ça devrait griller le cerveau et tout le système nerveux. Puisque, après tout même si c'était un être "magique" il devait bien respecter les lois de la physique et se mouvoir sous l'effet d'impulsion électronique. Et si ceci ne fonctionnait pas elles n'auraient plus qu'à faire leur prière.

Elle demanda à Sue de l'aider à le déstabiliser sans plus d'explication. Ce n'était pas vraiment l'instant idéal pour avoir une discussion. Et sans attendre la réponse elle s'élança vers sa cible avec l'intention ferme d'arriver à ses fins.

Une qui pleure, l'autre qui attend que ça passe. Des bruits à l'étage mais rien contre la porte, comme si ça s'était calmé tout seul, les bestiaux et monstres en bas terrifiés par les explosions mais un début d'incendie et la cervelle de piaf qui n'avait pas bougé d'un iota. Si la situation n'avait pas été si problématique, je lui aurait volontiers balancé ma chaussure à la tronche en vociférant comme une marchande de poisson.

Enfin, au moins, il ne semblait pas décidé à bouger. Peut-être attendait-il qu'on approche. Ou voulait-il simplement prendre son pied en nous regardant cramer. Humaines grillées au menu de la tête de piaf. Quelle déplaisante farce...

Mais chaque chose en son temps.
D'abord, faire bouger la mioche qui pleurait.

Je la rejoignis pour la tirer par le col et la remettre sur pied puis lui collai une bonne gifle, la fixant aussi neutre que je le pouvais. Ne pas l'inquiéter davantage. ne pas la pousser à faire de bêtises.

- Pleurniche comme ça encore une seconde et je t'utilises comme moyen de diversion, c'est clair ?

Coucou, Sue la warrior est dans la place. Ou... Ou pas en fait. Non seulement je n'en pensais pas un mot mais quand Justine me rappela à l'ordre pour partir à l'assaut du géant, un rire nerveux m'échappa. Elle parlait sérieusement ? Attaquer ce monstre ? La peur lui faisait-elle perdre l'esprit ?

- Okay... Mégane, va voir ce qui se passe là-haut s'il te plaît. Ca a l'air plus calme qu'ici, on pourra peut-être sortir par là.

Et déjà Justine courrait vers le monstre. Etait-elle ce point suicidaire ? Merde. je n'avais plus qu'à la couvrir de mon mieux. avec ma super lance improvisée.

Brillante situation. Vraiment brillante. Au moins autant que le sang qui suintait du visage de Justine. Pourquoi diable avait-elle foncée comme ça ? Pourquoi, bon sang ?! La peur ? Avait-elle paniquée au point de faire des choses stupides ? Je n'avais pourtant rien remarqué qui relevait de la panique, sur son visage. Elle avait semblé normale, aussi normal qu'on pouvait l'être dans ce genre de situation en tout cas. Et cette négligence de ma part venait de lui causer une blessure, sans doute grave, puisque le type avait tapé à la tête.

C'était fait et je ne pouvais pas revenir là-dessus. Je pouvais juste m'assurer qu'il lui foute la paix maintenant et qu'il la laisse en vie, surtout.

- Hey, bec d'oiseau, c'est par là que ça se passe ! lançais-je pour attirer son attention.

Il se retournait vers moi, prêt à me fracasser le crâne avec sa matraque. Oh celle-là, si c'était moi qui l'avait dans les mains... Mais ce n'était pas le cas, donc il fallait faire sans. Mon bâton ne ferait pas le poids contre lui. Très bien.
Si je ne pouvais pas toucher le haut, je pourrais toucher le bas.

Je fonçai sur lui et me laissai glisser juste à ses pieds pour lui asséner un coup de pied aussi fort que possible dans les rotules, pour le déséquilibrer, si je n'arrivais pas à le faire tomber.

Il fallait espérer que Mégane nous apporte rapidement de bonnes nouvelles...

Quoi de mieux pour remettre les idées en place qu'un bon coup de matraque sur la tête ? Ça vous entrechoquait vos neurones et faisait dégouliner du sang dans les yeux. Le rêve quoi. Au moins c'était d'une efficacité redoutable. Quoique ça laissait un peu sonné. Pas vraiment l'idéal quand le poteau tenant la matraque était planté devant vous près à s'en resservir.

Enfin cette fois-ci la cible changeait apparemment. Entre deux clignements d'yeux Justine aperçue Sue charger avec une chose qui lui tenait plus ou moins lieu de lance. La policière avait parlé avant d'agir mais Justine ne savait pas ce qu'elle avait bien pu dire. Mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait, au vu de la tournure que prenait les choses elle risquait fort de se retrouver également assommée. À ce moment là elles seraient vraiment dans la mouise. Le fait qu'une troisième personne était présente lui était totalement sortie de l'esprit. Elle n'avait pas non plus remarqué la disparition des gémissements.

Mais de toute façon réagir afin d'éviter un tel dénouement était plutôt vital. Justine devrait donc faire quelque chose, si possible moins stupide que précédemment et qui ne la mettrait pas plus en danger. Enfin il était difficile qu'elle y parvienne sans se jeter d'elle même sous la matraque du monstre. C'était déjà un point positif dans toute cette flopée de noirceur. Bien qu'elle n'était pas sûr que ça serve à quoique ce soit pour autant.

Bon la meilleure chose à faire était sans doute d'aider Sue à déséquilibrer la masse. En essayant cette fois-ci de ce coordonner histoire d'être efficace. Quoique finalement dégager du passage serait déjà pas mal. Cela n'arrangerait certainement personne si elle se faisait écraser par cet créature. Plus de temps à perdre, se pousser tant bien que mal du chemin et sans attirer une attention malvenue.

Mais elle ne s'éloigna pas trop non plus prête à porter un coup rapide au cas où il s'effondrerait. Pour l'instant elle se tenait accroupi n'osant pas encore se relever. Cela ne l'empêcha pas de jeter un truc ramassé au sol à la tête du mastodonte au moment où Sue arrivait. Maigre distraction mais qui devrait faire l'affaire.

J'avais taper dans sa jambe pour rien. Le genou n'avait pas bougé d'un millimètre à mon assaut. La surprise et une sueur froide dans le dos me paralysèrent un instant. Juste assez pour ne remarquer que sa matraque levée et un caillou lui frapper l'arrière du crâne.

Ca par contre, il l'avait senti passer. Si les jambes n'étaient pas son point faible, l'arrière du crâne l'était. Puisqu'il ne m'avait jamais tourné le dos jusque là, je n'avais pas remarqué mais son masque ne le couvrait en fait pas entièrement.

Parfait.
Justine se retrouva à nouveau sa cible et maintenant que je savais où frapper, je ne perdis pas une seconde. Me relevant pendant qu'il attrapait la tête de la jeune fille dans sa paume, j'armai ma lance et la lui plantait dans la tête avant qu'il n'ait le temps de frapper sa prisonnière.

La lance était bricolée certes mais solide. Je l'avais enroulée dans de nombreux tours de scotch de chantier, pour que la lame fixée au bout ne bouge pas, quand à mon bâton, il était épais, un bâton de marche et je le tenais assez proche de la lame d'une main, tandis que l'autre était plus loin, pour accroître la force de frappe.

Tout allait de travers. Sa diversion se transforma en la seule attaque efficace. Il resta de marbre à celle de Sue ne vacillant même pas. Rien ne pouvait l'empêcher de s'en prendre à elle maintenant. Il n'y aurait pas eu tant de problème s'il avait eu la grâce de tomber comme c'était prévu. Bref, il était évident maintenant que leur angle d'approche était à changer. La policière semblait l'avoir compris et pris en compte puisqu'elle s'était placée derrière lui près à lui enfonçait la pique dans le crâne.

C'était bien en soit. Justine n'avait rien contre ça. Sauf pour la partie où elle servait d’appât. Ce n'était pas comme si elle avait le choix. Le monstre s'avançait inexorablement vers elle à une lenteur horripilante alors qu'elle ne pouvait pas s'enfuir en courant. Chose qu'elle aurait aimé par dessus tout mais qu'elle n'était simplement pas en état de le faire. Pas après le coup sur la tête qu'elle venait de se prendre. Elle en avait les larmes aux yeux n'arrangeant pas sa vue qui était déjà en partie voilé par son sang.  

Justine se retrouva donc sous la menace imminente d'un nouveau coup. Même si elle n'était pas apte à courir elle ne resterait pas immobile à attendre d'être achevée. En même temps que Sue enfonçait sa pique elle planta sa pince dans le bras tenant l'arme, celui qui la menaçait. Pas profondément, elle n'avait pas le recule ni la force pour le faire mais assez pour faire passer une décharge électrique. L'élan de la créature avait contribué à faire pénétrer la pince dans son bras. Le but était simple, empêcher la matraque de rejoindre sa tête et lui faire lâcher l'arme si possible.