Cher journal,

Depuis quelques temps déjà, je passe mon temps à l'extérieur. Le temps m'ennuie, le ciel m'attriste. Je mange des bonbons mais un rien m'éloigne. Que peux-tu comprendre, toi ? Tu n'es qu'un simple journal. Je suis las de ces journées qui se ressemblent toutes. Aucune animation, rien. Je me lève le matin pour gérer ma boutique, mais même mon endroit privilégier ne m'apporte plus de réconfort, je suis las, las las. Sais-tu pourquoi journal, ici, on s'ennuie ? Parce qu'il n'y a rien à faire. On ne croise personne quand on travaille toute la journée. On ne croise personne, on est là mais seul. Oui, cher journal, je suis toute seule.
C'est décidé, maintenant, je vais prendre un peu plus de temps pour moi : je vais sortir. Noooon, pas pour m'amuser, ai-je une tête à m'amuser? Quoi que ça dépend ce que tu appelles "s'amuser". Allez, je te donne un indice : et si j'allais porter le malheur à quelqu'un? J'aimerais bien croiser une petite fille, ça me remonterait le moral. Rien qu'une toute petite. Je vais aller me promener dans le parc, peut-être y croiserai-je quelque chose.

Cher journal,

Je suis allée au parc. Il n'y avait personne, comme à l'accoutumé. J'y suis restée bien des heures, au petit matin jusqu'à ce que le soleil se lève, avant que je ne remarque qu'on m'observait. En fait, c'est ce stupide chat qui m'a craché dessus. Le chat qui était entré une fois dans ma boutique : celui de Nevroze. En fait, elle devait être là depuis un moment à m'observer, et elle ne m'a pas adressé un mot. Je suppose que le fait que son chat vienne m'importuné avait été calculé de sa part, comme pour me réveiller, et me dire "hé oh, je suis là". Et juste après, j'ai entendu un bruit étrange. Comme un cancéreux à la gorge obstrué qui respirait derrière moi. Je me suis toujours demandé d'où venaient ces monstres dont papa me parlait. Il m'assure qu'ils viennent de la ville. Je veux bien le croire, mais encore? Ils ne viennent surement pas de là. Tu me croiras si je te dis que le monstre avait un corps décomposé qui tombait en lambeau, putride et dégoûtant. Il sentait le brûlé. Je pense qu'il a brûlé par là, mais par quelles circonstances, je n'en sais rien ? Peut-être que je devrais le lui demander à elle, mais est-ce qu'elle me répondra ? J'ai fui, et je me suis retrouvée dans un arbre. Par la suite, j'ai continué à observer Nevroze. Je suis sûre que le fait qu'elle soit là et qu'ils soient apparut n'étaient pas une coïncidence. C'est elle qui les fait venir, j'en mettrais ma boutique en vente si je devais parier.
Cher journal, je suis toujours dans mon arbre, et les monstres ne veulent pas me lâcher. Je crois qu'ils veulent me dévorer. Est-ce que tu crois que c'est ce que Nevroze attend, qu'ils me dévorent? Mais pourquoi? Je n'ai rien fait aujourd'hui qui mérite punition. Peut-être le fait que j'aie lâché mon bâton de sucette dans l'herbe? Si je lui demande, tu crois qu'elle me laissera tranquille? J'aimerais tant lui rendre la monnaie de sa pièce.
Cher journal, je te le dis. Je la hais. Elle ne perd rien pour attendre. Et pourtant, j'aimerais bien en apprendre d'avantage...

Cher journal,

Les monstres sont partis. Comme volatilisés. En fait, je n'ai pas vraiment compris ce qu'il s'est passé. A un moment ils étaient là, j'ai levé le nez pour observer Nevroze, elle s'en allait, et pouf, les monstres avaient disparu. Je suis certaine que son départ et celui des monstres ne sont pas dissociables. Ça veut bien dire qu'elle me les a envoyés, n'est-ce pas? Sinon, et bien j'ai du mal à comprendre. Je suis rentrée, vivante, j'ai juste perdu une chaussure, mais je l'ai ramassée en revenant. Mon collant est troué, et ma jupe déchirée. Maman a faillit s'évanouir quand je suis rentrée. Je lui ai dit que j'avais croisé Nevroze, et elle m'a dit que cette petite fille était vraiment délicieuse. Peut-être, oui. Moi j'aimerais comprendre. Il faut que j'en parle à papa, je suis sûre qu'il a les réponses à tout. Sauf qu'il n'est pas vraiment présent en ce moment. En attendant, je vais rester sur mon idée. Peut-être qu'il se passera autre chose d'ici à ce qu'il rentre.

Cher journal,

Voici un moment que je ne t'ai pas conté mes aventures. En fait il ne s'est rien passé depuis la dernière fois. En même temps, je n'ai pas vraiment le temps de m'occuper de ça. Aujourd'hui je suis sensée allée voir le médecin, dans l'hôpital. Comme papa m'a conté de jolies histoires à propos de ce lieu, je compte m'y rendre pour aller voir ça de mes yeux. Peut-être y croiserai-je Nevroze, et donc un de ces fameux monstres morbides? Cette fois-ci, j'ai une hache avec moi. Ah oui, c'est vrai que je ne t'ai pas parlé de ce détail: j'ai gagné un peu d'argent ces derniers temps, alors je me suis offert une magnifique petite hache, qui peut servir au lancé, mais également au contact direct. Ainsi, cette fois-ci, quand on m'approchera avec des ongles un peu trop taillés, je saurai quoi faire. Alors, pense-tu qu'il y aura quelque chose d'intéressant, au Sanatorium? Des fantômes ou toutes ces sortes de choses? Je l'espère. Je t'emmène avec moi, on ne sait jamais.

Cher journal,

Je suis dans l'hôpital. Comme prévu, je crois que la médecine préventive a toujours été un leurre, il n'y a même pas d'infirmière dans les couloirs, ni personne pour nous guider. Je suis rentrer dans une pièce qui ressemble fortement à un cabinet médicale. Le bureau est parfaitement bien rangé, comme resté dans un état de sommeil depuis des mois, le lit n'est même pas défait, aucune trace de passage dans cet endroit méconnu. J'ai traversé la salle pour accéder à une autre pièce, mais la porte était fermée, et là, en tournant la poignet, un bordel à s'évanouir par terre tant c'était éprouvant a retentit juste derrière moi. Comme si quelqu'un était entré sans faire de bruit, et avait d'un seul coup poussé tout ce que le bureau portait sur le sol. Et tu ne me croiras jamais, mais lorsque je me suis retournée, il n'y avait personne. Pourtant je m'attendais à croiser un regard rouge ou un monstre, mais non, absolument personne. Et le bureau n'était pas déversé. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais je sais ne pas être folle. Si si, ce bruit a retenti, sinon je n'aurais pas de cœur aussi vif que maintenant. Ce que c'était, je n'en sais rien, mais maintenant une chose est sûre: il y a des choses dans cet hôpital. J'aimerais les trouver. Je te laisse.

Faites que les choses se passent comme je l'entend, pour une fois.

Cher journal,

Il y a une infirmière ici. D'abord, la porte qui grince, et le son qui résonne comme si on avait été enfermée dans une seule et gigantesque pièce dont les sons retentiraient dans tous les sens, lourds et oppressants, et ensuite le rire. C'est comme une caisse de résonance ici, le moindre bruit nous empli le cœur comme s'il devait nous étouffer. On se sent plein d'une incompréhension entre ces murs vides et sans repères. Oui, je suis vide et sans repère, je ne sais même pas par où chercher. J'aurais du me renseigner auprès de Père avant de venir, mais j'avais peur qu'il ne trouve mon idée stupide. Quoi que je suis certaine que si je fouillais un peu, je trouverai quelques lignes retraçant des trajets dont personne n'aurait connaissance et qu'il aurait fait lui-même dans cet endroit. Oui, il y a une infirmière ici, et elle se joue de nous. D'abord, elle laisse sous-entendre que l'hôpital est vide, ensuite elle s'éloigne, et traverse une porte, ensuite elle rit, et maintenant, c'est comme si elle fermait accès à tout renseignement. Elle vient de claquer la porte, se retenant prisonnière dans une des salles de ce maudit couloir. Je la trouverai, dussé-je faire toutes les portes jusqu'à la dernière, mais je ferai payer son audace à cette petite infirmière, crois-moi bien! Alice était surement sotte, mais pas moi.

Cher journal,

Tu ne me croiras jamais, journal, mais j'ai fait toute la pièce, je l'ai traversée, et elle n'était pas là. Non, pas d'infirmière, et pourtant j'ai traversé et ouvert la porte, comme une lame traverse un corps, et il n'y avait rien. Aucun viscère, aucune infirmière. Pas le moins du monde. Je pensais vraiment trouver quelque chose, je sais quand même parfaitement bien ce que j'ai entendu, mais rien ici, dans cette grande pièce qui sent l'alcool à brûler tant c'est propre. Elle se cache quelque part, ça oui, mais où? Pas sous le canapé quand même, pourquoi faire une chose pareille? Je me suis fait une réflexion, journal! Peut-être passe-t-elle à travers les murs? Ca expliquerait en tout cas pourquoi je ne l'ai pas entendue sortir, car enfin, elle avait quand même ouvert cette porte, au début! Ce qui m'amène à une autre réflexion, journal! Elle a essayé de m'attirer là. Oui, elle m'a attirée là et s'est volatilisée comme un fantôme. C'était un fantôme, journal, j'en suis sûre. Mais pourquoi, ça je ne sais pas. Enfin... il y a quand même cette clé que la flic a trouvée, et d'ailleurs, maintenant qu'on en parle, je suis certaine qu'elle permet d'avancer. Elle ouvrirait le couloir alors. J'ai soumis l'hypothèse qu'elle ouvrirait le couloir, car tous les indices mènent à cet endroit, mais les deux filles ne veulent pas m'écouter. Oui, nous sommes trois maintenant. Une autre blonde est entrée, je ne sais comment. Une blondasse que j'avais déjà croisée avant. Elle avait essayé me chiper des bonbons sous le nez, une fois. Dis journal, si je l'abandonne au milieu de monstre, on ne m'en voudra pas, hein? En tout cas, ce sera une expérience de plus à raconter à papa. Bon, il faut que j'aille à ce fameux couloir, j'attends que les filles me rejoigne.

Cher journal,

Cette maudite clé ne sert à rien. On vient d'essayer de l'ouvrir mais il n'y a rien à faire. Est-ce que tu penses à une farce. Moi j'en suis sûre. On se moque de nous aussi vilainement que si nous étions des fourmis enfermées dans une cage avec à la clé une mandibule aux trousses. Et bien qu'on me l'envoie ce fichu monstre, je saurai l'accueillir dignement!
Il n'y a plus d'endroit à vérifier sauf un. Journal, je pense avoir trouvé la réponse. Il reste un couloir, et une seule porte. Ça ne peut être que celle-ci. Pourvu que je ne me trompe pas.

Cher journal,

La réponse est enfin là sous mes yeux. Je ne saurais te dire exactement ce qu'il s'est passé, ni depuis combien de temps ça s'est passé, mais voilà, nous y sommes, les portes de l'histoire s'ouvrent devant nous. Il y a quelques temps je me trouvais dans une salle toute blanche, presque trop éclairée pour mes yeux qui n'aiment que l'obscurité, et maintenant me voici au milieu d'une salle complètement calcinée. Journal, te souviens-tu de cet horrible incendie qui a dévasté le sanatorium, celui-là même qui a été allumé pour brûler toutes les infirmières réunies au sous-sol? Celles qui ont voulu crier haut et fort au monde qu'ici on mutilait des enfants pour des expériences morbides? Je crois que j'y suis, Journal. Nous sommes revenus dans le passé, nous sommes à cette époque. Là, l'hôpital vient de brûler. Ô journal, penses-tu que je croiserai des infirmières ou des enfants mutilés? Il me tarde d'avancer.

Mon cher journal,

Je me suis rendue dans l'un des quartiers les plus méconnus de Phantasmagoria. Le parc d'attraction. Il n'y a rien à y voir. D'ailleurs, la plupart des attractions ne fonctionnent pas, même la journée, mais j'y ai découvert une chose tout à fait merveilleuse, pour peu que le merveilleux existe. Je dirais délicieuse. Une des attractions se décrit en terme de tour, et de rouge. Il en ressort des cris, dit-on. Moi je n'ai rien entendu de tel, et y suis entrée. C'était un endroit sombre et étroit, et à la minute où je t'écris, journal, je viens d'y faire une rencontre incroyable. Un monstre, disons de bien plus de deux mètres, avec un masque en forme de bec d'oiseau. Sa stature imposante était effrayante mais les lieux ont eu raison de lui, et j'ai pu m'enfuir. Il ne me poursuit pas, semble-t-il. J'espère trouver la sortie. Te rends-tu compte ? Les attractions cachent des monstres. Il me tarde d'en visiter d'autres. Père sera contenant d'apprendre cela, lui qui s'inquiétait de la tournure que prenaient les choses à Phantasmagoria. L'ouverture d'un parc d'attraction. Penses-tu ! Ce n'est là encore qu'un visage. Un jeu comme tant d'autres. Je m'amuse, je m'extasie de tout ceci. La vie dans ce monde est un amusement sans fin !

Cher journal,
La douleur est insupportable. Un chien m'a mordu à l'épaule. Je crois bien qu'il m'en a arraché la moitié. Ça fait un mal de chien ! Non, le temps n'est pas à la plaisanterie. Il me faut retrouver mon calme. Je dois dire que la flic m'a bien servi, cette fois, autrement, je ne serais plus là pour te conter mes mésaventures, car il s'agit bien de mésaventures, cette fois.
Je peine à écrire. Je viens de lâcher la fille aux cheveux blonds. Nous étions sensé rejoindre la flic à la pharmacie, pour m'y soigner, mais un bruit beaucoup trop soudai s'est échappé d'une pièce beaucoup trop proche de nous... Journal, je n'ai pas peur, mais dans mon état, je ne peux pas me mesurer à un autre animal de la sorte. Je me suis cachée contre un mur, je pense que la blonde fera un appât des plus succulents. En attendant je t'écris, dans le noir, il est vrai. J'espère ne pas rédiger trop de travers...

Ça crie. Comme une banshee, tu sais, ces personnes mythiques qui peuvent tuer en un seul cri ? Et ça crie fort. Dieu que ça crie fort. Et ça se rapproche... Je dois me sauver. A quand notre prochaine discussion ? A bientôt j'espère.

Cher journal,
Après le rire, la colère. On vient de t'arracher une page. Fort heureusement j'ai pu la récupérer, c'est donc dès mon arrivée au manoir ce soir que je te la rafistolerai. Ô je sais bien que je saurais faire les choses proprement, alors peut-être demanderai-je à mère de le faire à ma place. Quoi qu'il en soit tu seras réparé.
C'était un idiot. Un enfant, peut-être, tout vert, et presque translucide. Il avait l'air de vouloir pleurer mais de ne le pouvoir, en tout cas, il a gardé son air de chien battu tout le long de notre petite altercation sans jamais verser de larme. Ç’aurait été la goutte de trop, passe-moi cette blague idiote. Bah, c'était un monstre, mais alors, pour cette fois, je ne saurais dire pourquoi il est là, ce qu'il peut bien faire. Il t'a volé à moi, et t'a écorché. Quoi de plus cruel que d'arracher de ton cœur ces quelques mots pour lesquels j'emploie tant de force et d'ardeur ? A moins que son but ne soit justement celui-ci ? Déchirer mon cœur en déchirant tes pages ? C'eut été bien trop étriqué, il n'a fait que m'énerver, et puis tes pages se recollent, il n'y a là pas de quoi me frustrer plus que je ne le suis. Allons, j'avance, en espérant la sortie, car j'en ai maintenant bien assez vu.

Cher journal,

J'ai décidé d'aller faire un tour du côté des enfants. Et quand je dis "enfants", je parle bien des hommes. Ceux qu'on appelle les prophocides, qui se cachent dans leur terrier en attendant leur heure comme un loup blessé qui se résigne, et ne lèche même pas ses plaies. Et bien, leur territoire est pour le moins étrange. On m'a dit qu'on s'y perdait facilement, et je comprend pourquoi : c'est un quartier dans un quartier, des rues qui se croisent et se confondent entre elles. On à vite fait à se perdre ici, normal que peu de gens en reviennent. Les conséquences doivent être funestes, et les retombées très rapides, car on a facile à venir en groupe et à attaquer un agneau solitaire. Des coins sombres, il y en a partout, tout comme la brume, on voit à peine ses pieds. Je ne sais pas si les habitants sont nombreux, ici. Après tout, on en entend à peine parler, mais ça ne m'étonnerait pas qu'une fourmilière se cache dans un de ces nombreux bâtiments.

Je me rend à un concert. Un nouvel énergumène a du faire son apparition, et la magie de Phantasmagoria a du faire le reste, car enfin, qu'est-ce qu'un concert viendrait faire ici ? Je vais aller voir ça.

Cher journal,

Je ne sais même pas par où commencer. Combien de temps s'est écoulé depuis la dernière fois que j'ai noirci tes pages ? L'horloge m'indique quinze minutes, mais je n'en crois rien. Non, tu le sais bien que moi, j'imagine, pour avoir été perdu puis retrouvé, les heures se sont succédées à une vitesse ahurissante. Je t'ai parlé d'un chien, la dernière fois. Mais t'ai-je parlé de cette banshee que j'avais entendue ? Malheureusement, non, je n'en ai pas eu le temps. Heureusement pour moi, cette étrange journée se termine sur une bonne note, j'ai maintenant tout le temps nécessaire pour immortaliser ces quelques souvenirs qui me restent encore.

Je te parlais d'une banshee, journal, mais je me suis bien trompée, je dois l'avouer. Ça n'avait rien d'une créature mythique, je peux en parler pour l'avoir vue de prêt. Sa bouche, surtout, gigantesque et sans fin, m'a noyée toute entière. Je me suis perdue dans sa profondeur, alors que ses doigts fouillaient dans ma blessure, et que son corps rampait sur le mien. Elle m'a rattrapée dans un couloir. Normal, si j'y pense, j'étais beaucoup trop faible pour lutter. Et la douleur, déjà suffisante, est devenue insupportable lorsqu'elle a terminé le travail commencé, lorsque le trou à mon épaule s'est agrandit. Je garde que peu de souvenir de ce qui s'est passé ensuite. Une sensation étrange au niveau de la nuque qui me dérange. Un engourdissement désagréable qui me donne envie de me tortiller. Il me semble qu'elle m'a brisé la nuque, mais journal, si on m'avait brisé la nuque, je ne serais plus là pour en parler.

Après, c'est un trou noir. Une sorte de brouillard épais qui m'a perdue un long moment. Ensuite viennent des sensations, plus vraiment d'images. Le sentiment qu'on me fouille, littéralement. Je ne sais pas réellement, comme des mains invisibles qui triturent tes organes. Mon ventre me tire encore un peu, je ne sais pas vraiment ce qu'on ma fait pendant ce sommeil forcé. Journal, je ne me suis pas seulement évanouie. Et ne pas savoir me dévore les entrailles.

Ensuite, ce fut le réveil, et bien entendu, la fin du cauchemar. L'endroit est redevenu ce qu'il était. Blanc et vide, comme à son habitude. Plus aucun fantôme pour flotter à son encontre, plus aucun chien pour te mordre à défaut de ne pouvoir se nourrir de toi. Plus de chirurgien... ni d'infirmière.
Je n'ai aucune idée de ce qui a put se passer durant ce lapes de temps. J'imagine que le lieutenant a du faire quelque chose qui a stoppé tout ça. J'ai comme un ressentiment vis à vis de sa personne. Une sorte de jalousie de ne pas avoir été là moi aussi. Une colère un peu aigüe à mon égard pour avoir été aussi peu professionnelle. La prochaine fois je saurai réfléchir journal, car oui, je compte bien revenir dans cet endroit, et revivre les mêmes évènements, encore et encore.

Cher journal, c'est peut-être étrange à comprendre, mais je viens de passer les plus beaux moments de ma vie.
Journal, que dis-je, c'est à moi-même que je parle, alors je comprendrai, encore plus tard, alors que je saurai vieille et invalide, que ce fut aujourd'hui l'ouverture sur un passage sans retour. Un nouvel émerveillement, pour mon plus grand bonheur.

Cher journal,

Me revoilà de nouveau dans l'antre du Sanatorium. Je ne saurais dire si j'y suis venue de mon plein gré, mais pencherais plutôt pour la force des choses. avant cela il se trouve que je suis tombée sur un être bien singulier. D'abord caché sous un masque à gaz, il a ensuite consentit à montrer son visage lorsque les Bursnt Child qui peuplent le village se sont attaqués à lui.
Il m'avait assommée, journal. Je ne sais trop pour quelle raison, et j'imagine qu'il comptait m'emmener dans une de ces salles pour y faire quelques expériences un peu étranges dont seuls les médecins ont le secret. Il n' a pas voulu me dire, toujours est-il que lorsque les Burnst Child se sont attaqués à lui, force est de constater qu'il a fallut me réveiller, pour que je l'aide. L'ai-je fait ? Je crois que ma résolution à tuer ces petits êtres purulents l'ont aidé, mais pas complètement. Je m'en moque bien, crois-moi, mais il y avait dans cette situation quelque chose de plaisant. Une blessure faite à sa jambe qui l'a mené à se tourner vers l'hôpital.

Tu vas rire, journal. Non, c'est bel et bien moi qui rit, car il se trouve qu'aujourd'hui, ce n'est pas l'hôpital qui nous a accueilli, mais le Sanatorium. Des pas lents tournent dans le couloir. Je gage que ce genre de monstre n'a encore jamais tâté de ma machette. Un tout nouveau visage. J'espère qu'il sera à la hauteur de mes espérances. Ça permettrait de montrer au docteur Howcraft qu'ici, ce n'est pas lui qui fait la loi, et qu'il est, comme nous tous, prisonnier de ces gens morts.

Journal, ils sont des temps pour lesquels il faut tout abandonner, et ce temps-ci est arrivé. Je me dois te ranger dans mon sac, la suite des évènements te sera comptée plus tard. Je l'espère, autrement dis-toi que ma vie aura été aussi mouvementé que je le voulais.

Cher journal,

Je ne sais pas ce qu'il se passe. A dire vrai les évènements en ce moment me paraissent si peu naturel que je peine à savoir si je rêve éveillée, ou bien si je vis endormie. Je t'ai parlé d'un concert n'est-ce pas, et il me semble bien que j'y suis allée. Tout me paraissait si ridiculement décalé de tout ce qui caractérise en général ce village que j'avais pensé à une blague, mais non, il y avait bien un homme, et des musiciens, et pour l'occasion j'avais apporté mon sac plein de tomates...
Pour me moquer de la situation en étant aussi ridicule qu'elle, mais une fois arrivée, la situation m'a échappé.
Il avait de grands yeux et tant d'insolence que je me suis énervée assez vite. Je crois bien avoir massacré quelques personnes, mais à l'instant, mes souvenirs sont bien trop flous pour être honnêtes. Personnes ou bien monstres, je ne peux même pas te dire ce qu'il en fut, car il en fut journal, tout ceci s'est passé il y a bien longtemps. C'était une foule à n'en pas douter, mais une foule de quoi ? Je ne me rappelle que d'ombres gênantes et silhouettes noires. Rien d'extrêmement précis et pourtant ça mériterait approfondissement et vérité. Je ne me souviens que du chanteur, et ensuite de Nevroze.

Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais ce qui a précipité la suite, quoi qu'il en soit j'ai vu une femme. Une femme gigantesque, du moins c'est ainsi qu'elle est représentée dans mes souvenirs. Les yeux bandés, je crois qu'elle saignait. A moins qu'elle ne pleurait des larmes de sang ? Des lames sont sorties de son corps, nombreuses et grinçantes, elles se sont ruées sur moi, et alors de là je ne me souviens que du visage calme et paisible de Nevroze qui ne cessait de me fixer. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je ne  suis pas retournée du côté de Maniacal Desirae depuis, mais j'ai bien l'impression que tout ceci n'était qu'une sombre farce destinée à me coincer. Journal, elle est venue pour moi, cette fois. C'était aussi limpide qu'une roche dans de l'eau claire, à aucun moment elle n'a semblé s’intéresser au chanteur, tout juste l'a-t-elle accueillit, et encore même à ce moment j'ai l'impression qu'elle ne s'adressait pas à lui.

Ai-je tout imaginé, et Nevroze a-t-elle profité de ce que je divaguait pour me cueillir et me tuer ? Car la seule conséquence qu'un tel acte c'est bien la mort, non ? Et les barbelés qui ont transpercé mon corps ne m'ont surement pas chatouillée. J'ai mal lorsque je bouge, journal. Mon corps est pris de sursaut, quand j'y repense, et de tressaillements. C'est bien la preuve qu'il s'est passé quelque chose. Oh je n'en doute pas, je ne doute pas de la fin, je doute du reste. Au final, qu'ai-je réellement vécu depuis que je suis là ?

Cher journal,
C'est un rêve ici. En tout cas, une folie. Les monstres se suivent les uns après les autres, me cueillant comme une fleur au milieu d'un autoroute. Est-ce ainsi que ça se passe ? La tour rouge est peuplée de ces créatures qu'on ne trouve qu'à l'extérieur. Je ne connais pas ces monstres-là et l'impression qu'il m'ont faite se défigure à chaque fois qu'il en change, passant de l'excitation à la colère, ensuite à la crainte et enfin au courage. Ils m'inspirent tant de choses et je ne saurais dire si c'est là le but de cet endroit loufoque. Ces apparitions cumulées me font penser à d'étranges choses, qui n'ont rien au hasard. Un homme oiseau. Un enfant qui s'est accaparé ton être. Enfin, une devinette et après...

Elle se tient devant moi, quoi que je ne suis pas sûre que ce soit réellement une femme. Le corps tout blanc et sans aucun tremblement, elle m'a vue mais ne bouge pas. Je pense qu'elle m'attend, et je sens la fin approcher doucement. Journal, c'est de ce courage-là dont je te parlais. Je sens ce lieu m'épuiser, plus moralement que physiquement et je me dis que cet endroit n'a pas de sorti autre que celle qui nous attend tous. Je pense bien comprendre comment sortir d'ici, je pense bien pouvoir le faire, et pourtant, j'espère pouvoir me battre jusqu'au bout.

Journal, elle me regarde et mon cœur commence à accélérer sa course. Je vais y aller, journal. Et ce sera elle ou moi. J'espère que ce sera moi, mais au cas où, j'espère que ces pages ne tomberont pas en d'autres mains, ces mots sont bien trop personnels.

Adieu, journal, je crois...

Cher journal,

Quel pouvoir étrange peut encore s'éveiller ici ? Nous n'avions plus d'air, journal. J'ai pourtant bel et bien massacrer sa caboche de monstre, mais il s'est dégagé de lui une sorte de bulle d'air qui nous a tout simplement réduit au silence. Incapables de respiré, nous avons courut jusqu'à une porte dérobée, et là quelle surprise, journal ! nous avons découvert les sous-sols du Sanatorium.
Journal, je crois que cet endroit n'existe qu'ici. A cela je veux dire que, comme il existe deux hôpitaux, il serait surement juste de penser que les endroits ne se partagent pas, et que certains passages n'existent que parce qu'ils sont dans la bonne dimension. Sanatorium. Hôpital. Ils ne sont pas les mêmes. Je crois que le Sanatorium est un cauchemar, et que l'hôpital est sa réponse : une simple désolation. Je me demande quels genres d'autres monstres peuvent encore grouiller dans ces couloirs obscures. Il n'y a pas e lumière. Il n'y aura jamais de lumière. Le générateur est mort comme tout le reste. Je me demande : est-ce que le Sanatorium est toujours le même à chaque fois, ou se mouve-t-il comme le temps au fur et à mesure que nous le découvrons ? Verrai-je les mêmes endroits que ceux que j'ai vus la dernière fois ? J'aimerais bien le savoir.
Je vais m'y promener, journal, et percer ses secrets. Enfin j'espère, car le boulet que je traine semble encore plus mal en point qu'à son arrivée. Peut-être sa mort me survivra-t-elle ? Ah ce serait drôle, journal, mais cela voudrait dire que je suis réellement inconsciente.