Le chaos est une source méconnue de l'ordre





Caché derrière les arbres à quelques lieux de là, il avait observé les gens sortir de l'église avec une attention particulière. Leur visage exprimait des émotions étranges, différentes et complexes, une palette d'émotions qu'il n'arrivait pas à saisir. Ça pleurait. Ça gardait la tête haute. Y avait-il seulement une cohérence dans tout ce cirque ? Les gens s'étreignaient, se consolaient, se disaient au revoir. Et Kräjen, aux abords de la forêt, n'en perdait pas une miette. Il vit, bien entendu, Konfety, accompagnée de l'agent Sue Maryia, s'éloigner des lieux et y revenir. Et à côté de ça, il suivit avec une attention appuyée un homme qui s'éloignait des autres, la tête haute, après avoir lu une seconde fois un petit papier qu'il n'avait pas - il en était sûr - en entrant dans l'église. Cet homme avançait dans sa direction - c'est peu dire, car il avançait en réalité en direction de la forêt - et cela l'arrangeait. Il n'aurait pas de grands efforts à soutenir.
Alors que l'homme s'éloignait des autres, Kräjen le suivit sans faire le moindre bruit, se cachant derrière les arbres qui lui donnaient un couvert acceptable. Et lorsque l'homme s'arrêta à quelques pas de l'entrée, Kräjen attendit à quelques mètres de là.




L'homme marchait d'un pas calculé sur la pointe des pieds, posant ses pieds l'un après l'autre. Il ne faisait pas de bruit, et Kräjen salua l'effort. Il y en avait peu des aussi prudents pour qu'il se félicite de constater que certains essayaient encore de survivre. Savait-il seulement où il allait ou avançait-il à l'aveuglette en espérant tomber sur quelque chose ? Il ne le saurait jamais. Krâjen se faufila derrière lui et plaqua sa main droite sur sa bouche pour l'empêcher de crier. Il tenait dans sa main gauche un poignard avec lequel il le frappa précisément, l'assommant sans qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit. Le corps s'effondra au sol, et Kräjen s'aventura à le fouiller, à la recherche de ce petit papier qu'il trouva dans la poche d'un pantalon grossier. Il le déplia, et en fit la lecture silencieuse.

Sur le papier, Kräjen put lire ce message, écrit d'une fine écriture ronde.

Le mot était une énigme comme il s'y attendait. Des phrases sans queue ni tête aux rimes forcées cachant un message. Kräjen le lut plusieurs fois avec attention, détachant chaque mot pour qu'ils étaient, les prenant séparément pour en comprendre le sens masqué, et dans son esprit se format une sorte de toile d'informations qu'il était difficile de relier en un point central. Il réussit, cependant, à isoler certains mots qui, selon lui, avaient le plus de chance d'aboutir : porte, abomination, jadis, chaleur, éveil/réveil, mort et Aquilon. Aquilon ? Qui était donc cet Aquilon ? Kräjen n'en avait aucune connaissance et l'espace de quelques secondes, il se demanda s'il ne devrait pas qu'il se rendît à la bibliothèque, afin d'y trouver le sens de ce mot qui détenait sûrement une réponse. L'espace de quelques secondes, il se demanda également ce qu'il se passerait s'il prenait le risque d'informer Nevroze de ce jeu grandeur nature, et de l'y faire participer. Après tout, elle aimait ce genre d'événement quand elle ne les concevait pas elle-même. Mais cette fois, une petite voix lui dit qu'il valait mieux qu'il l'en laisse écartée, sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être l'illusion de croire qu'il pouvait, cette fois, participer de loin seul, sans les autres membres de la famille Perfide pour le cacher dans l'ombre.


Il savait que les Ecclésiastes préparaient quelque chose d'énorme, mais les teneurs et aboutissants lui échappaient. Il avait quelques idées, mais trop d'hypothèses pour trop peu de preuves. N'étaient que spéculations et préjugés. C'est pourquoi il s'était lancé dans l'aventure, non pas pour vivre quelque chose d'extraordinaire, de palpitant, de révolutionnaire, pour colorer un peu ces journées ternes et sans fin, mais uniquement pour confirmer ou infirmer ses hypothèses. Et plus probablement, confirmer qu'il avait raison.

Quoi qu'il en soit, il était sûr, maintenant, que, contrairement à ce que cet imbécile de vaurien pensait, cette prose n'avait aucun rapport avec la forêt. Il fit donc demi-tour, et tout le long du trajet, essaya de trouver le lien entre ces mots, le sens de tout ceci, et peut-être bien la solution. Pour le moment, un seul endroit pouvait répondre à ses attentes. Il prit donc la direction du sud, de l'école plus précisément. Mais il n'était point question de passer par les rues. Cette fois, il préféra contourner pour rester dissimulé des autres, en passant tout simplement par la forêt.


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