C'était à n'y rien comprendre. Tout se passait, allait et venait sans la moindre logique. Des pleurs, on passait aux rires et des rires à la menace, avant que tout ne cesse, d'un coup. Comme si quelqu'un avait appuyé sur un bouton pour tout remodeler quand le moment devenait critique.

Sue était tombée en voulant sauver la petite fille et c'était e docteur qui en avait fait les frais, tombant avec elle pour éviter une masse qui n'arriva jamais sur eux. Comme si, plus que l'esquive brutale de l'agent de police, sa seule volonté avait suffi à faire disparaître tout danger. Exactement comme dans un rêve. Ce n'était pas la première fois que l'idée lui traversait l'esprit, car tout ici semblait irréel. A commencer par sa présence en ces lieux qu'elle avait toujours su éviter et de cet inconnu au visage vaguement familier.

Mais était-ce vraiment un simple rêve ? Est-ce que son esprit avait décidé de rassembler tout ce qu'elle craignait le plus en une seule fois ?

Son corps se mouvait au rythme de la course du psychiatre qui la trainait derrière lui. Avait-il remarqué que plus rien ne les suivait ? Sans doute, puisqu'ils finirent par s'arrêter et ce fut comme s'ils n'avaient jamais parcouru un mètre. Main dans la main comme deux enfants perdus, ils ne pouvaient que fixer la petite fille au loin et le capuchon rouge.

Sue fut transpercée par la haine que lui renvoyait le regard bleu. Malgré la menace évidente que représentait cette femme en rouge, elle ne se rua pas sur la petite fille. Si elle ne comprenait pas les tenants et aboutissants de toute cette mise en scène, au moins avait-elle la certitude que l'apparition ne réagissait pas à sa présence, ni à sa voix. Sue ne put que s'étonner de l'étrange faune que son esprit avait créé.

Les becs d'oiseaux invincibles, les chiens fantômes qui avaient manqué déchiqueter Konfety, un chaperon rouge aussi fourbe que le loup de son conte, un psychiatre au regard un peu fou, une petite fille en danger et le toit du Sanatorium. Il ne manquait plus que la présence de son frère, du monstre qui avait tué Konfety et les sourires sardoniques de Nevroze et Kräjen pour faire de ce rêve étrange un cauchemar qui la ferait s'éveiller en sursaut. A la fin de sa liste, Sue fut prise d'un brusque accès de panique. Ne pouvait-elle pas se réveiller maintenant ? Ne pouvait-elle pas s'éviter de telles frayeurs ?

Sa mains serrait bien trop fort celle de son compagnon de route. Quand elle en prit conscience, elle le lâcha en balbutiant quelques excuses.

-Il faut la suivre n'est-ce pas ?

Elle n'en avait pas envie maintenant qu'elle avait réussi à s'effrayer toute seule en anticipant ce qui allait se passer. Elle n'en avait pas envie, mais tout était fait pour qu'ils suivent l'enfant. Même le vent, soudain absent, semblait hurler silencieusement qu'ils devaient se hâter à sa poursuite. Vers le Sanatorium. Vers ce monstre aux longs cheveux noirs qui hantaient ses nuits comme aucun autre.