Carrie Brianna Heddle était bien la fille de sa mère. Une demoiselle appartenant au monde de la gymnastique qui avait su occuper avec brio quelques places sur le podium, dont la première qu’elle avait su toujours bien tenir au chaud. Exemplaire à l’école, Carrie détenait également le titre de « meilleure hôte de tous les temps » tant ses soirées alcoolisées ou non faisaient un tabac dans le monde adolescent et étudiant, si bien qu’on jalousa toujours ses amis qu’elle sembla traiter comme des invités de choix. Pourtant, Carrie n’est pas sa mère. Elle invite n’importe qui à ses soirées, du plus proche au plus éloigné, fait du yoga plutôt que de l’aérobique, n’a jamais essayé d’être mieux aimée et n’obéit à l’autorité que lorsqu’elle l’a décidé. C’est pourquoi lorsqu’elle se rendit en France pour enfin user du français qu'elle parlait couramment avec ses amis et que sa mère exigea qu’elle reste sous la surveillance de sa connaissance vivant là-bas quand elle serait arrivée, Carrie n’en eut que faire. Elle y avait dérogé quand on vint lui proposer de se rendre aux frontière du village intriguant. Phantasmagoria, comme elle s’appelle. Jake avait très certainement envie de l’impressionner et lui montrer qu’il n’était pas un froussard qui faisait dans son pantalon quand on parlait de ville fantôme. Alors, joueuse comme elle était, Carrie le laisserait ambitionner.

Cette journée là, elle s’extirpa de sa chambre par la fenêtre avant que Jake ne la réceptionne et qu’elle ne gagne la Chevrolet qu’ils avaient loué la veille et où se trouvait Jessie, l’une de ses plus proches amies et son petit copain, Sawyer le Quaterback encore au lycée que l’on connaîtrait mieux plus tard pour ses échecs plutôt que pour ses victoires. Jessie était une bonne amie, elle n’avait pas voulu la laisser seule en pleine virée d’après midi même si elle était la première à fuir à toute vitesse les histoires d’horreur. Carrie avait trouvé cela stupide, mais réaliserait plus tard que l’on ne pouvait pas être mieux que Jessie comme amie. Le trajet pour le petit village d'Alsace débuta mais au bout de quelque temps, sa vessie demanda à être soulagée. On s’arrête près d’une station-service, elle sort et part faire ses besoins. Les minutes passent et Jake accourt en tambourinant sur la porte des toilettes.

-Carrie, dépêche toi, on reprends la route là, on ne va pas t’attendre un millénaire de plus putain.

-Je suis comme une paire de Louboutin : genre indispensable. Donc laisse moi pisser et on repart tranquillou, ok ?

Un grognement rauque se fit entendre. Carrie sourit. Jake ou pas, il fallait bien lui montrer à qui il avait affaire, qui plus est depuis qu’elle l’avait surpris rouler un patin à Ivy, sa supposée amie. Assez amie du moins pour s’échanger des ragots et s’écrier « besties ! » dès qu’elles se croisaient dans les couloirs de Stanford sans qu’elles ne connaissent respectivement la date de naissance de l’autre. Encore aujourd’hui, Carrie ignorait la raison pour laquelle elle était restée avec lui. Peut-être parce qu’il était plutôt beau gosse ? Ou peut-être parce qu’il était le seul garçon qu’elle connaissait réellement à Stanford ? Elle opta pour la deuxième supposition. Toutefois, Carrie se fit la promesse de ne pas laisser cela durer trop longtemps. Elle avait d’autres projets plus attrayant.

Quand elle eut terminé, elle se rhabilla et regagna la Chevrolet encore neuve pour s’installer près de Jessie. La route reprit. On alluma la radio qui y passait « Call me Maybe » de Carly Rae Jepsen avant de se mettre à se trémousser tout en hurlant les paroles à moitié apprises dans la matinée. Au bout d’un moment, Carrie força de nouveau la voiture à s’arrêter. Rebelote. Elle avait bu trop d’eau. Jake râle encore, mais Carrie s’en fiche, elle marcha direction rue de Main Street malgré les supplications de Jessie qui voulut la suivre et qu’elle pria de rester dans la voiture « Relax, c’est un village, pas la maison de Freddy Krueger. Quoique... » Carrie ria en voyant Jessie s’agacer, mais Jake tint quand même à la suivre, jouant les chevaliers servants même si Carrie savait qu’il avait juste envie lui aussi de libérer sa vessie. Mais le paysage qui s’offrit à eux eut le bénéfice de leur faire retirer toute envie. « Temps gris, maison miteuses du siècle dernier. Sympa ce décor. » avait elle dit ironiquement à côté d’un Jake peu à l’aise. Carrie pouvait le dire. Sympa, oui. « Bon, j’crois qu’on va reprendre le chemin du retour t’en dis quoi ? » Chose qu’ils ne feront jamais. Quelques temps plus tard après avoir cherché intensément le chemin sans Jake qui avait disparu en une ou deux heures, Carrie se trouvera de nouveau à Main Street, à harceler un résident pour se dégoter un peu de 4G et un téléphone, mais tout ce dont elle semble avoir droit, c’est ce logement dans le No Man’s Land, rien de plus que cela. « Ne tarde pas, dans quelques heures le soleil ne t'attendra plus. »

Fin du prologue.